Retour sur un évènement majeur de cette année : VIVA TECH et rencontre avec son directeur François BITOUZET.
VivaTech 2024, qui s’est tenu à Paris du 22 au 25 mai, a été un événement phare pour l’innovation mondiale. L’édition 2024 est un nouveau record avec plus de 165,000 visiteurs et a vu des interventions marquantes de personnalités comme Elon Musk, Serena et Venus Williams, John Kerry ou Robin Li. Si l’intelligence artificielle a dominé les discussions avec des applications variées et des implications éthiques soulignées par des experts, on n’oublie pas l’aspect généraliste et très varié de l’évènement : les thèmes principaux comprenaient la tech climatique, la mobilité durable, et l’économie des créateurs, reflétant les tendances actuelles et futures de la technologie.
Innovate design s’est rendu sur l’évènement, prendre le pouls des secteurs qui innovent, font bouger les lignes et a rencontré son directeur François Bitouzet. Avec lui nous avons pu faire le point sur l’innovation et les tendances actuelles.
Jean-Philippe Chameaux (Chargé de développement Innovate Design France) : François, tu es le directeur général de VIVATECH. Peux-tu en premier lieu nous parler de ton rôle ?
François : Je m’appelle François Bitouzet et je suis le directeur général de Viva Technology. Mon rôle consiste à diriger une entreprise de 50 personnes qui organise l’événement Viva Technology. Concrètement, cela signifie que tout au long de l’année, je coordonne les équipes pour élaborer la stratégie, planifier les activités, commercialiser l’événement, gérer la communication, et bien sûr, produire tout ce qui se déroulera pendant les quatre jours de Viva Technology à Paris Porte de Versailles.
JPC : Parle nous de Viva Tech ? Pour quelqu’un qui découvre ce salon, de quoi s’agit-il ?
FB : Viva Technology est aujourd’hui le plus grand événement en Europe dédié Tech Digital et start-ups. L’enjeu de Viva Technology est de réunir autour d’une même table toutes les parties prenantes de l’innovation : les start-ups, les grands groupes de la tech, les entreprises, les investisseurs et les pouvoirs publics. L’idée est de créer, pendant quatre journées (trois journées professionnelles et une journée ouverte au grand public), un maximum de connexions business. C’est l’occasion pour les participants de signer des contrats, de décrypter les grandes tendances, et de créer de nouvelles connexions entre différents pays et écosystèmes. Notre objectif est de promouvoir l’innovation comme clé pour créer de l’emploi, de la croissance et répondre à des grands défis comme le réchauffement climatique, entre autres.
« L’innovation c’est la clé qui va nous permettre de créer de l’emploi, de la croissance et aussi de répondre à de grands enjeux actuels ! »
Une précision importante : Viva Technology n’est pas un salon. Nous tenons à souligner que c’est un événement. Un salon implique généralement des personnes qui achètent des mètres carrés pour des stands, ce qui n’est pas notre approche. Ce que nous cherchons à faire va bien au-delà de simples stands, nous créons des rencontres qui n’auraient pas lieu ailleurs.
Comparé à un salon tech traditionnel, notre événement est généraliste. On y trouve des experts pure Tech, mais aussi des représentants de 25 grands secteurs économiques, tels que la banque, la santé ou l’automobile, qui
viennent à Viva Tech. Cela fait déjà une grande différence. Deuxièmement, nous sommes orientés B2B. Par rapport au CES de Las Vegas, par exemple, qui est orienté vers les consommateurs, nous sommes très complémentaires puisqu’ils sont orientés B2C et nous, B2B. Enfin, notre particularité réside dans notre capacité à réunir toutes les parties prenantes autour de la même table, ce qui distingue vraiment Viva Technology des autres événements du secteur.
JPC : Qu’est-ce qui te plaît dans l’innovation et plus particulièrement dans Viva Technology ?
FB : Mon métier se trouve à la croisée de mes expériences professionnelles, notamment dans l’événementiel. J’ai une profonde croyance dans le pouvoir positif de transformation que peut avoir le fait de faire se rencontrer les gens et de leur faire vivre des expériences ensemble. C’est exactement ce que nous essayons de faire vivre à VivaTech. Pendant quatre jours, les participants découvrent des choses inédites, avec un effet « Wouah » que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.
« Je crois en cette capacité des êtres humains à créer, par le hasard des rencontres, des choses plus intéressantes que tout ce qui était prévu. »
L’aspect événementiel de mon travail est crucial. Je crois énormément au pouvoir transformateur des rencontres et des expériences partagées. À VivaTech, nous nous efforçons de créer un environnement où cela peut se produire. Durant les quatre jours de l’événement, les participants peuvent vivre des moments uniques et surprenants, ce qui est pour moi l’essence même de l’événementiel.
JPC : Et en ce qui concerne l’innovation ?
FB : En ce qui concerne l’innovation, je dois avouer que je suis passionné par ce domaine. La technologie et le digital sont au cœur de cette passion, mais ce qui m’intéresse le plus, ce sont les solutions que l’innovation apporte aux problèmes, qu’ils soient mineurs ou majeurs. Ces solutions peuvent toucher à notre quotidien, notre travail, nos économies, notre société et notre planète. C’est cet aspect de l’innovation que je trouve absolument fantastique.
JPC : Quel est l’intérêt pour une start-up de participer à VivaTech, surtout si elle débute seulement son activité ?
FB : Pour les start-ups, participer à VivaTech présente de nombreux avantages. Tout d’abord clairement, l’un des objectifs principaux c’est trouver des financements. Cette année, c’est plus de 3600 investisseurs qui sont venu à VivaTech pour repérer les nouvelles start-ups en émergence et investir. Pour une start-up, c’est une occasion unique. C’est aussi le moyen de trouver ses premiers clients. Avoir des fonds qui investissent et trouver des clients est crucial pour toute jeune entreprise.
Ensuite, il y a la capacité de se faire connaître. On a des médias qui viennent du monde entier, environ 2500 médias, qui sont là pour repérer les pépites et décrypter les tendances. Si votre start-up est pertinente, on va en parler dans le monde entier. Cela peut vous donner une aura colossale.
Et enfin venir à Vivatech c’est le moyen de partager sa vision et apprendre : partager sa vision de l’innovation, de son secteur d’activité, échanger avec ses pairs, comprendre les étapes nécessaires vers le scale-up, voire devenir une licorne. Cet échange de connaissances et d’expériences est inestimable pour toute start-up en début d’activité.
JPC : Sur l’événement, on a pu voir de nombreuses startups réunies sous la bannière de grandes entreprises, grands comptes, etc. Peux-tu nous expliquer le fonctionnement ?
FB : Un des grands enjeux de Viva Technology est la connexion, comme je le disais précédemment et la mise en avant des principes de l’open innovation. L’open innovation, c’est quand un grand groupe comme Orange, Hyundai, Carrefour ou LVMH par exemple, qui a des besoins d’innovation et qui ne peut se suffire avec ses propres R&D fait appel à des startups. Ces collaborations permettent aux grandes entreprises de développer et d’enrichir leurs innovations en travaillant avec des startups qui elles, leur apportent cette nouvelle capacité d’innovation.
« L’Open Innovation joue un rôle important pour faire grandir une start-up. »
À Viva Technology, ces grands groupes présentent non seulement leurs propres innovations, mais aussi celles qu’ils ont développées grâce à leur partenariat avec des startups. Il s’agit alors d’un tremplin pour elles et la possibilité de grandir.
JPC : Quels ont été pour toi les temps forts de Viva Tech cette année ?
FB : L’intelligence artificielle a vraiment été au cœur de toutes les discussions cette année, ce qui était très intéressant. Depuis un an et demi, on entend parler de l’IA partout, à la télévision et ailleurs, souvent avec beaucoup de fantasmes. À VivaTech, que ce soit sur nos scènes ou dans nos stands, avec les innovations présentées, nous avons montré la réalité de l’intelligence artificielle. Face aux fantasmes, aux peurs ou aux espoirs démesurés, nous avons ramené les choses au concret en disant : « Non, nous ne savons pas ce qu’il se passera dans 30 ans, mais aujourd’hui et ici, voilà ce que l’IA peut réellement faire. »
Par exemple, rencontrer une startup française comme Seabex qui explique comment, grâce à l’intelligence artificielle, on peut économiser 50 % des besoins en eau pour l’irrigation des terres agricoles, c’est impressionnant. Imaginez l’impact au niveau de la France, de l’Europe et du monde entier. C’est quelque chose qui change véritablement la donne. Pour moi, c’est un moment fort de cette édition de VivaTech : ramener la réalité sur l’intelligence artificielle et permettre de changer pas mal de mentalités.
La transformation de la Tech et son rôle dans les grands défis mondiaux
JPC : Des tendances émergentes ?
FB : Ce qui ressort beaucoup, c’est que la Tech a toujours été poussée par des modèles très inspirés de la Silicon Valley américaine. « Si une demande existe, je vais créer une offre, peu importe la nature de cette demande ». Cela a conduit à une Tech souvent très efficace, mais parfois dépourvue de sens et de valeurs. Aujourd’hui, la Tech comprend qu’elle doit participer aux grands défis mondiaux comme le réchauffement climatique, les économies d’énergie, et la façon de nourrir 8 milliards de personnes. La Tech est en pleine transformation, reconnaissant qu’elle peut faire du business tout en s’attaquant à des sujets majeurs et en les faisant évoluer de manière structurante.
Un exemple que j’aime particulièrement est l’entreprise française Sweetch Energy. Leur solution est fascinante : lorsqu’il y a une rencontre entre l’eau des rivières et l’eau des mers et des océans, des réactions physiques et chimiques génèrent un peu d’électricité, mais on ne sait pas la capter. Sweetch Energy a conçu une membrane capable de capter cette énergie, appelée énergie osmotique. S’ils réussissent pleinement leur innovation, (et ils ont déjà des partenariats avec Engie, EDF, Total, etc.), ils estiment qu’avec l’embouchure du Rhône, on pourrait fournir de l’énergie verte et quasiment gratuite pour toute l’agglomération de Marseille pendant un an. C’est extrêmement intéressant au niveau mondial, et cela montre bien que, même dans un événement comme VivaTech, on peut changer la donne au niveau environnemental tout en faisant du business. Les entreprises ont besoin de se développer, et c’est là tout l’intérêt de cette transformation de la Tech.
L’état de l’innovation et de la Tech aujourd’hui et ses perspectives d’avenir
JPC : Comment se porte l’innovation et la Tech aujourd’hui ? Quel est l’avenir selon toi ?
FB : Les trois années post-COVID ont été très difficiles. Pendant le COVID, il y a eu énormément d’investissements dans le secteur, car tout était bloqué et il était plus facile d’investir dans la Tech. Cela a conduit à des mouvements de capitalisation qui ont souvent dépassé l’entendement et le raisonnable. Aujourd’hui, on observe beaucoup moins d’investissements, avec un retour à des niveaux plus raisonnables, semblables à ceux d’avant 2020.
Ce qui est intéressant, c’est que les startups dans l’innovation sont en train de se transformer. Auparavant, elles se reposaient beaucoup sur le financement des Fonds, qui investissaient de l’argent jusqu’à ce qu’elles atteignent un point de rentabilité ou d’arrêt. Aujourd’hui, les startups sont dans un nouveau cycle où elles cherchent davantage de clients et de carnets de commandes, ce qui est plus sain et équilibré. Cela peut leur permettre de mieux se développer sur le long terme.
Nous sortons aussi d’une époque un peu Tech Candide. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas Tech Optimiste, mais nous ne sommes plus dans l’ère où monter une startup était automatiquement perçu comme quelque chose de formidable. Par exemple, j’aime beaucoup la marque Le Slip Français, mais ils disaient à l’époque « j’ai fait une startup« . En réalité, ce n’est pas une startup, c’est une entreprise dans l’habillement, de prêt-à-porter, ce qui est très respectable, mais ce n’est pas une startup au sens traditionnel.
Aujourd’hui, nous arrivons à un niveau de maturité qui, à mon avis, va renforcer la solidité et la pérennité des startups.
Merci François pour cette rencontre et nous te donnons rendez-vous donc du 11 au 14 juin 2025 pour le prochain évènement VIVA TECH à Paris. Pour en savoir plus sur Viva Technology .
Propos recueillis par Jean-Philippe Chameaux (Conseiller Innovation & Chargé de développement Innovate Design France)
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